Perspectivia

Bareit le 29 de Sept[embre]. 1755

Ma tres chere Soeur
J’ai souvent pris la main a la Plume pour vous ecrire pendent le Cours de mon voyage[,] sans pouvoir j’amais parvenir a achever une Lettre. Soyez persuadée[,] chere Soeur[,] que votre Jdee et trop fortement gravée dans mon Coeur pour que rien au monde puisse l’en effacer. Elle a voyagée avec moi, et ce n’est pas ma faute si les oreilles ne vous ont pas souvent Cornus. J’ai eu le plaisir de m’entretenir de vous a Rome avec le C[omte] Bielck qui est penetré de vos Bontez. votre Equité a son egard vous a attiré Le Coeur de tout Rome. Je souhaiterois que vous pussiez dessendre pour quelques tems de votre grandeur pour voir cette Jtalie qu’on vante tant et que j’ai trouvée au dessus de tous ce qu’on en dit. J’ai cru que j’etois enchantée et que je me trouvois dans quelqu’habitation des Feés. J’ai vu dans ce charment païs tous ce que La Magniffissance et le gout peut Jmaginer de plus parfait. Le Climat m’avoit beaucoup demise, je comencois meme a engraisser, mais je suis retombée dans mon ancien etat depuis mon retour, et m’apercois que la plupart de mes meaux sont | causé par L’air Rude et grossiere que nous respirons. La France n’est point telle qu’on nous la depeint[;] il n[’]y a que des choses fort ordinaire que ceux de la Nation font valoir come des Miracles. Elle Brille par la Societe. J’y ai vu une quantité de gens de Paris et beaucoup de gens de Lettre qui ont été presque toujours chez moi. Les Provinciales sont plus aimables que les Parisienes. Cest derniere sont Jnssuportable avec les fem[m]es et ne sont aimable qu’avec les Homes. On n’en peut tirer un mot[,] au lieu que les autres se pretent a tout.
J’ai recu Les Marbres que vous avez eu la bonte de m’envoier[,] dont je vous rends milles graces. Je voudrois pouvoir vous etre util a quelque chose et vous temoigner du moins dans les Bagatelles[,] puisque je ne le puis dans L’Essantiel[,] combien je vous suis attachée[,] etant toute a vous jusqu’au Tombeau

Wilhelmine