Perspectivia
Lettre1871_07
Date1871
Lieu de création[Paris]
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesDelacroix, Eugène
Baudelaire, Charles
Müller, Victor
Edwards, Edwin
Lieux mentionnésLondres
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesF Hommage à Delacroix
F Un coin de table

[Paris]

[Automne 1871]

Mon cher Scholderer

Votre lettre m’a fait bien de la peine. Ce pauvre Müller, comment, malade si terriblement ?

Quelles nouvelles, je n’ose aujourd’hui vous en demander. Faut-il que les meilleurs d’entre nous soient si frappés ! Dans quels temps sommes-nous, toujours entourés de tristesse, de déceptions, je me mets bien à votre place. Que cela doit être triste, je voudrais bien être près de vous pour vous consoler. Je ne connaissais pas Müller, mais j’avais toujours eu de l’espoir en lui, je le voyais un homme en qui l’avenir était.

Être près de vous à Londres, c’est un espoir que j’ai. C’est là certainement qu’un jour j’irai, mais pour le présent, il n’y faut pas songer. En attendant, je suis bien heureux d’apprendre que vous avez le projet de venir avec Edwards en février.Scholderer fera un court voyage à Paris au printemps 1872. Que de bonnes conversations nous allons faire, vous me trouverez probablement dans les difficultés du Salon.

J’ai un grand projet qui est de faire un tableau comme celui de l’Hommage à Delacroix.Fantin-Latour, Hommage à Delacroix, F.227. La différence est que les personnages du premier plan seront autour d’une table à la fin d’un dîner. A la place du portrait de Delacroix, ce sera celui de Baudelaire. Autour seront les jeunes poètes.Fantin est alors en train d’élaborer le projet pour son tableau Un coin de table, F.577. A peu près cette disposition.La lettre est accompagnée d’un croquis de la main de Fantin.

La disposition très simple. Je crois que la table blanche chargée d’un dessert très varié et couleurs diverses, sous le grand portrait sombre et presque vague et cadre noir, entouré de chaque côté par des feuillages sur fond gris neutre et assez sombre, puis tout ce monde en habit noir ou très sombre sont bien disposés comme valeurs. Ce sont des combinaisons très cherchées malgré la simplicité.

Dans les longueurs du siège, j’ai beaucoup pensé à la disposition de cela, à ce que l’on pouvait faire avec notre temps comme décoration et ornement d’une composition. Trouvez-vous [que] l’opposition des petits groupes de gens, debout de chaque côté, soit bien avec la régularité de ceux autour de la table ; je le crois plus décidément arrêté que tous ceux que j’ai faits dans le même arrangement, les masses mieux disposées, plus harmonieuses, s’opposant mieux. La masse du portrait avec ces feuillages tombe bien sur la valeur blanche de la nappe, et la ligne circulaire des figures autour, et les deux coins du tableau bien remplis par les petits groupes de gens debout.

Devant le portrait, il y en a un qui lit ses poésies en l’honneur, j’appelle cela Un anniversaire. Il y aura 50 ans qu’il est né, c’est en mémoire. En voilà assez de la disposition. Je n’y change rien. Je suis tout disposé à l’exécution de chaque morceau. Là rien de si intéressant que cette suite de portraits. Cela m’enchante. J’en ferais sur la longueur d’une lieue des portraits, les uns à côté des autres, rien de si amusant ; la nature est si variée, surtout quand on accepte une disposition si simple et régulière. Je vous en prie, dites-moi ce que vous en pensez. Je suis dans la disposition de travailler sans arrêter. Je ne peux vous dire combien je travaille et suis enflammé de peinture. Si je n’avais pas tant de dégoût de tout ce qui se passe autour de moi, je voudrais vous faire comprendre combien je suis peu […]La suite de la lettre est manquante.