Perspectivia
Lettre1876_17
Date1876-11-12
Lieu de création8 Clarendon Road Putney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesScholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Victoria
Edwards, Ruth
Edwards, Edwin
White, Mrs.
Deschamps, Charles W.
Moroni, Giovanni Battista
Moretto da Brescia,
Lieux mentionnésLondres
Paris
Londres, National Gallery
Londres, Dudley Gallery
Œuvres mentionnéesF Fleurs et fruits
F Baigneuse inquiète
F Baigneuse debout
S Porträt einer alten Dame, Mrs. White (portrait d'une femme âgée, Mrs. White)

8 Clarendon Rd Putney Surrey

12 Nov. 1876

Mon cher Fantin

Que votre lettre m’a fait plaisir qui m’annonce enfin votre mariage proche, mais c’est bien triste que je ne puis pas venir célébrer ce jour important pour votre vie avec vous !

Il y a bien des obstacles qui me retiennent, mais aucun n’est si grand que celui que je n’ose pas m’éloigner en ce moment de ma femme qui n’est pas encore tout à fait bien – quoique je ne veux pas me plaindre des progrès qu’elle a faits depuis sa convalescence.

Les autres sont des séances de portraits des visiteurs que j’attends, le manque d’argent, mais comme j’ai dit, celles-ci ne seraient pas capables de m’empêcher de venir.

Je crois que je n’ai pas besoin de vous exprimer combien je regrette cela. Mais nous célèbrerons ici le jour de votre mariage et nous nous réjouirons en pensant à votre bonheur. Je ne vous dis pas non plus tout ce que je vous souhaite pour votre vie future, cela me serait guère possible d’exprimer, mais je suis certain que vous serez heureux avec une femme qui est si bien faite pour vous, dont nous admirons le caractère excellent et pour laquelle nous avons tous les deux tant de sympathie ! Et vous méritez tant de trouver tout le bonheur possible dans votre vie conjugale. N’oubliez pas de nous écrire le jour de votre mariage.

Ma femme a exprimé ce qu’elle sent et souhaite pour vous dans une lettre à Mlle. Dubourg, mais elle me charge encore une fois de vous dire à tous les deux qu’elle vous souhaite de tout son cœur tout le bonheur possible. Adieu, votre ami Otto Scholderer

P.S. J’ai été hier chez Edwards, mais ils ne sont pas encore revenus de la campagne, j’ai l’impression comme si Edwards était ou est encore très malade. Il me paraît extraordinaire qu’il ne revient pas à Londres, aussi le silence de Madame est ennuyeuse

Edwards avait dans les dernières années plusieurs fois des attaques qui ressemblaient beaucoup à un coup d’apoplexie, et sa femme m’a dit elle-même que son cerveau en était parfois dérangé pendant plusieurs jours, je crains que ce soit une attaque semblable. Je trouve qu’il a bien changé dans le dernier temps, il est devenu vieux et fait plus l’impression d’un homme qui est sûr de lui-même, je crois que son manque de succès comme artiste et qu’il a vu qu’il ne peut pas jouer un rôle parmi les jeunes gens et l’art du futur en Angleterre (qui est bien drôle) l’a mortifié énormément, et je crois que le chagrin le dévore. J’ai vraiment pitié de lui.

Vous avez eu probablement des nouvelles de Mme Edwards, il y a trois tableaux de vous au Dudley : la nappe avec les fleurs et fruits,Fantin-Latour, Fleurs et fruits, F.787. la baigneuse,Il s’agit peut-être de Fantin-Latour, Baigneuse inquiète, F.2243 et Baigneuse debout, F.2245. et des roses, tous les trois très bien exposés. Mais les affaires vont ici aussi mal que possible, vous le sentirez probablement aussi. On craint beaucoup la guerre, on a peur du futur et je crois pas sans raisons.A la suite de la répression infligée par les milices turques à la Bosnie-Herzégovine et à la Bulgarie, une vague d’indignation saisit toute l’Europe qui craint alors un conflit plus important. Le tsar profitera de l’occasion pour déclarer la guerre à la Turquie le 24 avril 1877. Il s’assure l’accord tacite des autres pays européens, en promettant préalablement à l’Angleterre de ne pas s’attaquer aux Détroits et en convenant avec l’Autriche que celle-ci occuperait la Bosnie-Herzégovine. Je n’ai pas beaucoup travaillé, j’ai fini le portrait d’une vieille dame Mrs. WhiteScholderer, Porträt einer alten Dame, Mrs. White, B.152. dont le mari vous a vu, je crois à Paris, il a plusieurs tableaux de vous. Elle a très mal posé, toujours malade, mais enfin c’est assez bien réussi. Deschamps a une exposition de tableaux de la nouvelle école anglaise que je n’aime pas du tout, je ne vois aucun désir de faire pour soi-même, c’est seulement la tendance de vouloir faire de l’effet qui dans les travaux des jeunes Anglais est très désagréable à voir, mais ce sont tous des génies ! La national galerie a ouverte ses nouveaux salons, très bien arrangés et quelques très beaux tableaux nouveaux surtout des portraits de Moroni et de Morettes.Scholderer évoque ici quatre œuvres acquises en 1876 par la National Gallery : une de Moretto da Brescia, Portrait d’homme, 1526, huile sur toile, 201 x 92,2 cm ; et trois de Giovan Battista Moroni, Cavalier avec son casque de joute, vers 1554/1558, huile sur toile, 202 x 106,5 cm ; Portait d’une dame, vers 1555/1560, huile sur toile, 155 x 106,8 cm ; Canon Ludovico di Terzi, vers 1559/1560, huile sur toile, 101,5 x 82,7 cm. La prochaine fois j’en dirai plus.