Perspectivia
Lettre1878_04
Date1878-04-09
Lieu de création8 Clarendon Road Putney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesScholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Victoria
Edwards, Ruth
Edwards, Edwin
Wallis, Mr.
McLean, Thomas
Agnew, William
Agnew, Thomas
Esch, Mlle
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Paris
Paris, Exposition Universelle, 1878
Paris, Salon
Œuvres mentionnées

8 Clarendon Rd Putney S.W.

9 avril [18]78

Mon cher Fantin,

Je crois que je dois renoncer au plaisir de vous voir.Jutta Bagdahn mentionne un séjour de Scholderer à Paris en avril 1878 auquel il a finalement renoncé comme l’atteste cette lettre. Voir Jutta Bagdahn, Otto Franz Scholderer 1834-1902. Monographie und Werkverzeichnis, thèse de doctorat inédite, Fribourg-en-Brisgau, 2002, p. 69, et dans Jutta Bagdahn, « Otto Scholderer – Daten zu Leben und Werk », dans Scholderer, cat. exp., 2002, p. 61-80, p. 69. J’ai été malade et ne me porte pas encore assez bien. Aussi le temps n’est pas très favorable pour voyager, il fait très froid. Ainsi je crois de faire mieux si j’attends encore quelque temps. Je vais voir ce que l’Académie apporte, si j’ai plus de chance cette fois avec mes tableaux que l’année passée. Je dois d’abord remercier Madame de la part de ma femme de sa lettre amicale, elle aurait souhaité naturellement beaucoup d’aller vous voir, mais espère de venir bientôt avec moi.

C’est fâcheux que maintenant je ne peux pas parler avec vous de vos affaires, mais je veux tâcher au moins de vous écrire ce que j’en pense. Mme Edwards ne m’a pas dit quelles étaient les affaires qu’elle a faites avec vos tableaux, seulement qu’elles ne marchaient pas comme elle le désirait pour vous, qu’elle avait eu dernièrement beaucoup de visites mais qu’aucun des Messieurs avait le moindre désir d’acheter des tableaux. Je me rappelle cependant qu’elle a dit le contraire quand je l’ai vue à l’époque de notre retour de l’Allemagne, peu de temps après cependant elle me dit son projet avec les portraits, elle se promettait un grand succès de cela pour vous et dit qu’en vous ouvrant cette voie elle pouvait au moins mourir tranquillement. Il est impossible pour moi de vous donner un avis dans cette affaire, vous savez bien ce que c’est de faire des portraits, cela ne peut pas être agréable pour vous, cependant si ce ne sont que des têtes qu’on vous demande et si c’est tellement bien payé comme Mme E. me dit, je trouve que cela vaut un essai. Si vous vous résolvez vite et si vous venez ici, vous pourriez faire deux portraits, j’en suis sûr, jusqu’à l’ouverture du Salon et être de retour à Paris à cette époque. Seulement, je vous conseillerai, avant tout, de lui demander si les personnes sont prêtes à poser et de fixer le jour quand elles doivent poser, sans cela vous risqueriez de venir ici sans trouver la personne, une promesse n’est rien pour les Anglais, aussi je vous conseille de demander les noms des personnes avant de venir. Moi, j’ai pris l’habitude de faire un contract avec les gens, avant de commencer leurs portraits.

Je ne peux pas nier, et vous savez longtemps, que je crois que ce serait un avantage pour vous de vous détacher entièrement des Edwards, et je suis persuadé qu’elle ne peut plus vous être utile pour vos affaires. Il est vrai que le temps est misérable et que les tableaux se vendent difficilement, mais elle avait gâté votre affaire, bien avant les mauvais temps. Il me semble que les gens n’aiment pas à faire des affaires avec elle, qu’elle les éloigne avec son manque de tact et son avidité démonstrative (je pense combien de mal elle m’a fait avec cela). Maintenant tout le monde vous connaît ici et vos œuvres. Wallis, Mc Lean, AgnewWilliam Agnew (1825-1917) reprend avec son frère Thomas la galerie paternelle Thomas Agnew and sons située Waterloo Place. Il devient un marchand londonien très influent. j’en suis sûr aimeraient de faire des affaires avec vous, mais directement et si les prix ne seraient pas si hauts, au commencement vous auriez la chance de savoir que vos tableaux seraient exposés devant un grand nombre de gens et qu’avec le temps les prix seraient plus hauts. Mais aucun des marchands ici ne fera des affaires avec Mme Edwards. Je vous répète combien l’avantage serait grand si vous exposiez dans une galerie, au lieu que dans la chambre de Mme E. Tout ce que j’ai dit n’est que mon opinion générale, car je suis loin de vous conseiller de vous séparer des E. en ce moment, attendez que les temps soient meilleurs. En somme, je crois que vous ne feriez pas mal de venir ici pour voir ce qu’il a à faire, si vous aimeriez à faire les portraits des gens que Mme E. vous propose, voir si cela vaut la peine de vous déranger pour un temps plus long etc. Je dis tout cela, seulement en cas que vous pensiez que c’est nécessaire de quitter Paris pour vos affaires. Moi, je sais bien que je ne me dérangerais pas tant, si c’était seulement que pour gagner de l’argent et pas pour gagner la vie. Maintenant je suis convaincu qu’il ne vous faut pas mon avis dans cette affaire. Vous savez, j’en suis certain, bien mieux ce que vous avez à faire et il me semble bien que ce n’est pas la chose la plus importante que vous avez à décider.

J’espère d’avoir bientôt un mot de vous, peut être de vous voir ici. Je n’ai rien envoyé à Paris, ni pour le Salon, ni pour l’Exposition, je n’ai pas de choses assez importantes pour cela, je n’aurais que des frais et les portraits ont si peu d’intérêt pour le public et cela ne me rapporterait ni gloire, ni argent. Adieu, bien des choses à Madame, ma femme ajoutera un mot à ma lettre. Bien des choses aussi à Mlle Esch, faites-vous de la musique ?

Votre ami

OScholderer