Perspectivia
Lettre1878_17
Date1878-12-26
Lieu de créationPutney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesMillet, Jean-François
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Mewburn, Francis
Whistler, James Abbott MacNeill
Ruskin
Turner, Joseph Mallord William
Esch, Mlle
Edwards, Edwin
Dubourg, Victoria
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Paris
Munich
Francfort-sur-le-Main
Heist (Région flamande)
Paris, Salon
Londres, Grosvenor Gallery, 51a New Bond Street
Wakefield
Œuvres mentionnéesS Porträt von zwei Mädchen in Wakefield (portrait de deux jeunes filles de Wakefield)
S Kopie eines Porträts von 1856 (sic) in Frankfurt (Henriette Flersheim mit Händen) (copie d'un portrait de 1856 de Francfort (Henriette Flersheim aux mains))

Putney

26 Déc [18]78

Mon cher Fantin

Me voilà de retour de la campagne et les portraits achevés. En rentrant, j’ai trouvé votre cadeau, les photogr. d’après Millet. Je vous en remercie beaucoup, cela m’a fait le plus grand plaisir, et merci bien aussi pour la phot. de votre tableau, nous l’avons admiré tous les deux, ma femme en est aussi enchantée ; seulement, c’est dommage que cela ne soit pas plus grand, c’est à peine qu’on puisse reconnaître l’exécution, cela semble être une phot. d’après nature. <Le portrait de Millet aussi m’a fait bien plaisir, c’est comme ses œuvres>Voir lettre 1878_16.

Ma femme m’a envoyé les lithographies de suite à WakefieldScholderer séjourne à Wakefield, au nord de l’Angleterre, dans le Yorkshire, pour exécuter des portraits de commande. et je vous en remercie beaucoup. Mr. Mewburn en a été enchanté,Voir lettre 1878_15 et lettre 1878_16. vous aurez reçu sans doute une lettre de lui, bien fantastique et exagérée sans bien de rapport ; mais c’est un homme excellent, un véritable ami, sans prétention au fond et c’est pourquoi je lui pardonne bien des bizarreries et singularités. Il est bien fier de posséder vos lithographies et ira les encadrer de suite. Je suis plus que honteux maintenant d’accepter tous vos beaux cadeaux et moi je n’ai rien à vous envoyer, je crois toujours de pouvoir faire mieux et c’est pourquoi je ne vous donne rien. Cependant, je prends courage et vous enverrai deux petites esquisses que j’ai faites à Heyst,Heist, station balnéaire de Belgique (Flandre occidentale) sur la mer du Nord, à l’est de Zeebruge. plus tard viendra une nature morte qui n’est pas encore achevée (ne riez pas).

On a été assez content de mes portraits à Wakefield, seulement les dames n’ont pas été flattées de leur portrait (comme toujours),Scholderer, Porträt von zwei Mädchen in Wakefield, B.173. mais puisque l’argent est dans ma poche, je veux me consoler.

Je ne vous ai pas encore remercié de votre dernière lettre dont les nouvelles nous ont fait bien plaisir que vous allez mieux tous les deux, que la campagne vous a finalement fait du bien, la vente de vos tableaux aussi naturellement.

On m’a commandé une copie d’un portrait que j’ai fait en 1856,Bagdahn a identifié cette œuvre de Scholderer comme étant Kopie eines Porträts von 1856 (sic) in Frankfurt (Henriette Flersheim mit Händen), B.175. On ne connaît cependant pas l’original de 1856. et je dois aller pour cela à Francfort, pour quelques semaines. Comme ce serait beau de revenir par Paris ! Nous y pensons bien, mais je crois que ce n’est pas permis, voilà le nouvel an, on doit penser aux expositions, je voudrais envoyer au Salon, aussi j’enverrai Munich, vous devriez y envoyer aussi ! J’enverrai 4 à six tableaux. J’ai à faire quelque chose pour l’Académie, c’est bien important.

C’est vrai, nous n’avions pas assez de temps à causer quand j’étais à Paris,Le dernier séjour de Scholderer à Paris date de juillet 1878. Il s’y rend pour visiter l’Exposition universelle. mais c’était bien beau cependant ; il me revient peu à peu ce que j’y ai vu.

Le greffier est un très beau tableau qui m’a fait grand impression,Millet, Le greffeur (un paysan greffant un arbre), 1855, huile sur toile, 81 x 100 cm, États-Unis, coll. part. la femme qui garde les moutons est très belle aussi,Millet, Une bergère assise sur un rocher, 1856, huile sur toile, H.0,355, L.0,280, Cincinnati, Art Museum, il en existe également deux dessins, l’un conservé dans une collection particulière en Angleterre, l’autre à la National Gallery of Scotland à Édimbourg. ils sont tous beaux.

Nous allons partir le 29 déc., je vous écrirai encore, peut-être de Francfort, j’espère toujours de pouvoir me décider d’aller à Paris, comme nous le souhaitons ! Je suis de votre avis, il faut se divertir Perusquin quand on a encore un peu d’argent.

Avez-vous lu le procès de Whistler contre Ruskin ?John Ruskin (1819-1900), écrivain anglais, polémiste, poète, peintre et critique d’art anglais. Il défend la peinture de Turner et le mouvement préraphaélite. Son influence en tant que critique est très importante dans l’Angleterre victorienne. John Ruskin attaque Whistler dans sa lettre mensuelle du 2 juin 1877 « Fors Clavigera » au sujet du prix demandé pour une toile, Nocturne en noir et or. Falling Rocket (YMSM.170, 1875, huile sur bois, H.0,603, L.0,466, Detroit, Institute of arts), exposée lors de l’ouverture de la Grosvenor Gallery (mai 1877). Whistler poursuit Ruskin en diffamation et le procès a lieu le 25 novembre 1878. Whistler obtient symboliquement gain de cause. Peut-être Mlle Esch vous l’aura traduit, comme aussi la lettre de Mewburn qui l’a prié de le faire, elle le connaît aussi.

Je n’ai pas vu Edwards tout ce temps, je vais y aller demain, je crois qu’il n’est pas mieux.

Je vous dis Adieu, j’espère que vous et Madame se portent à merveille, de tout coeur nous vous souhaitons la santé pour le nouvel an, c’est ce qu’il y a de plus important, les mêmes souhaits aussi pour Mlle Esch et nos compliments à vous tous.

Votre Ami

Otto Scholderer