Perspectivia
Lettre1890_06
Date1890-12-31
Lieu de création6. Bedford Gardens Kensington, London
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Scholderer, Viktor
Edwards, Ruth
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Hélène
Dubourg, Charlotte
Vélasquez, Diego
Fantin-Latour, Marie
Holbein, Hans
Guthrie, James
Del Mazo, Juan Bautista Martinez
Lieux mentionnésParis
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesF Dahlias (Dahlias dans un vase de porcelaine blanc et bleu, fond clair)

6 Bedford Gardens

31 Déc. [18] 90

Mon cher Fantin

J’étais au point de vous écrire quand votre lettre arrriva.

Tous nos meilleurs souhaits pour la nouvelle année, pour vous et à Madame ! Nous sommes bien contents d’apprendre que malgré ce temps affreux et le froid vous vous portez assez bien. Nous pouvons dire la même chose de nous, quoique nous toussons beaucoup et que Victor est en ce moment au lit pour soigner son rhume.

Ce temps m’a presque tué, il y a cinq semaines que le brouillard a commencé et ce n’est pendant une ou deux heures dans la journée qu’on puisse voir dans les derniers jours, si j’avais pu prévoir cela, j’aurais certainement quitté Londres pour quelque temps, quelle perte de ne pas avoir pu travailler du tout, tout sera en retard pour les expositions de l’année prochaine.

Et avec cela les affaires sont aussi mauvaises que possible, cette crise financielle combinée avec le froid et le brouillard n’est pas engageant pour les gens de regarder des tableaux, encore moins d’en acheter. Madame Edwards, que j’ai vue aujourd’hui, se console avec l’idée que cela ne pas devenir pire, je voudrais bien que je puisse penser autant, je crains que cela sera encore bien pire pour les artistes. J’avais invité au mois de novembre les gens de ma connaissance de voir quelques de mes tableaux, surtout des natures mortes et j’avais espéré d’en vendre. Le jour était noir, et le matin avait apporté la déclaration de la difficulté de la maison Baring et CoEn 1890, victime d’engagements inconsidérés en Argentine, la grande banque d’affaires Baring and co rencontre d’importantes difficultés. dont vous devez avoir entendu parler, il s’était agi de la petite somme de 36 millions de livres sterling et la peur s’était emparée de toute la city. J’ai vu pour la première fois quelle importance cela avait sur toutes les affaires et ce n’est pas encore passé, tout le monde craint que la véritable crise vienne encore et vous savez quelle influence cela a sur le commerce de tableaux. Naturellement, je n’ai pas vendu un seul.

Victor se tenait bien pendant le temps qu’il allait à l’école et en somme, nous sont bien contents de sa santé, il est devenu bien plus fort. Il a aussi bien travaillé et a obtenu le second prix dans sa classe, et ses maîtres étaient bien contents de lui. C’est surtout pour les langues qu’il paraît avoir un assez grand talent, il apprend le grec et le latin et aussi le français. Je crois que ce talent est dans la famille de sa mère, car un neveu de ma femme a un talent phénoménal pour les langues, je serais bien content si Victor réussissait en cela.

J’ai vu quelques de vos nouveaux tableaux de fleurs chez Mme Edwards et je les ai admirés énormément, comme toujours. Les Dahlias avec le panier de roses sont merveilleux,Fantin-Latour, Dahlias dans une carafe. Petit panier de roses, glaïeuls sur la table, F.1414. ainsi que les petits tableaux de Roses. Je suis curieux d’apprendre ce que vous avez décidé à faire pour le Salon. Si ce temps continue, je ne trouverai pas le temps de faire une toile pour le Salon, pourtant je tâcherai bien.Scholderer n’expose aucune œuvre au Salon de 1891. Ce ne sera pas autre chose qu’une nature morte. Comment se portent Madame Dubourg et Mademoiselle Charlotte, je vous prie de les saluer de notre part et de leur donner nos souhaits pour la nouvelle année. On dit qu’il fait bien froid à Paris, pouvez-vous bien chauffer votre atelier, ici nous souffrons bien du froid, notre demeure est exposée et les arrangements pour chauffer sont insuffisants, nous sommes presque toujours à l’atelier qui est chauffé par un poil allemand, c’est notre retraite dans un temps pareil.

Quant à l’art, il n’y a pas de nouveau ici. La galerie nationale a cependant acheté un très beau VelasquezJuan Bautista Martinez del Mazo (vers 1612/12-1667), attribué à, Portrait de l’amiral Adrián Pulido Pareja (après 1647, huile sur toile, 203,8 x 114,3 cm, Londres, National Gallery), acheté comme un Vélasquez en 1890 avec la contribution de Charles Cotes, Sir E. Guinness, Bt. (Lord Iveagh) et Lord Rothschild. dont vous avez dû entendre parler et un très beau Holbein,Hans Holbein le jeune, Les ambassadeurs, 1533, huile sur toile, 207 x 209,5 cm, Londres, National Gallery, acheté en 1890. l’autre tableau un portrait de Moroni est très joli dans son genre.Giovanni Battista Moroni, Portrait d’homme, vers 1555-1556, huile sur toile, 186,2 x 99,9 cm, Londres, National Gallery, acheté en 1890. Le Velasquez est une figure entière grandeur naturelle un Amiral Espagnol, le tableau est bien frais et simple.

Le Holbein consiste de deux portraits d’hommes, un à gauche, l’autre à droite du tableau qui sont divisés d’une table avec toutes sortes d’instruments mathématiques etc. c’est bien curieux.

Il y avait une exposition de pastels de GuthrieJames Guthrie (1859-1930), peintre écossais, il appartient au groupe d’artistes écossais que l’on a appelé les Glasgow Boys. Ses premières œuvres sont des scènes rurales dans l’esprit de l’école de La Haye (Mauve, Israëls). Dès 1885, les œuvres en plein air des Glasgow Boys connaissent un grand succès. Vers 1890 Guthrie délaisse les thèmes de la vie rustique au profit des scènes impressionnistes. Il se consacre alors davantage au pastel. En 1902, il est élu à la Royal Scotish Academy. En décembre 1890, James Guthrie a exposé une sélection de quelques pastels à la Dowdeswell Gallery de Londres, voir Punch, or the London Charivari, vol. 99, 20 décembre 1890. dont vous avez aimé le portrait au Salon, il est impressionniste mais me semble avoir beaucoup de talent, mais j’attends ce qu’il fera en futur, je doute qu’il puisse aller loin. Un peintre de fleurs James est aussi considéré un grand génie, je n’ai rien vu de lui encore. Je vous dis Adieu, bien des choses de notre part à vous et Madame, Victor vous embrasse tous les deux.

Votre ami

Otto Scholderer

<J’aurais bien désiré d’apprendre comment va Mad., votre sœur et votre nièce ?>