Perspectivia
Lettre1899_05
Date1889-12-31
Lieu de création54. Fichard St. Francfort s/M
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesScholderer, Luise Philippine Conradine
Scholderer, Viktor
Dubourg, Victoria
Edwards, Ruth
Eiser, Otto
Eiser, Madame
Thoma
Dreyfus, Albert
Dubourg, Charlotte
Lieux mentionnésLondres
Paris, Exposition Universelle, 1900
Karlsruhe, Kunsthalle
Paris, Salon
Kronberg im Taunus
Œuvres mentionnées

54. Fichard St. Francfort s/M

31 Déc [18]99

Mon cher Fantin,

Ma femme, moi et Victor envoient à vous et Madame nos meilleurs souhaits pour la nouvelle année et nous espérons qu’elle vous trouvera toujours en bonne santé !

C’est tout ce que nous pouvons désirer à notre âge et le reste est compris dans ce souhait suprême.

Madame Edwards vous aura dit que nous avons quitté Londres. Il y a plus de huit jours que nous sommes à Francfort et Madame Eiser, la femme du feu Dr. Eiser, a été si aimable de nous inviter à demeurer chez elle jusqu’à [ce] que nous aurons trouvé une demeure. Malheureusement il est très difficile de trouver un atelier, même les demeures sont très rares en ce moment.

Victor va nous quitter en quinze jours pour retourner à Oxford, c’est bien triste, surtout pour sa mère, cependant nous avons toute confidence en lui et il est à l’âge où l’indépendance est nécessaire pour lui et doit lui faire du bien.

Nous avons laissé nos meubles à Londres de sorte d’être plus libres à choisir l’endroit de notre nouveau séjour. Le travail d’un pareil déménagement était terrible, ma femme en est encore malade ; il fait noir ici et le temps est très mauvais.

C’est bien triste pour moi que Thoma a quitté Francfort,En 1899, Thoma est nommé directeur de la Grossherzogliche Kunsthalle de Karlsruhe. cependant il a retenu une maison de campagne à Cronberg et va y passer quatre mois pendant l’été, et j’espère de le voir alors plus souvent. Les autres artistes ici sont de peu d’importance. Il y a des marchands de tableaux ici et les expositions sont inondées de tableaux de Munich qui sont terribles, mais vous allez les connaître à la grande Exposition prochaine de Paris.La sélection des œuvres pour la section allemande des Beaux-Arts de l’Exposition universelle de 1900 avait été confiée à Franz von Lenbach. Scholderer craint vraisemblablement que celui-ci n’opère ses choix auprès de ses amis, représentants de l’art académique de Munich. Lenbach rassemble finalement des œuvres très hétérogènes, mêlant les œuvres académiques aux scènes de plein air et aux objets d’Art nouveau, sans qu’aucun goût précis ne ressorte de sa sélection.

Je suis bien content que Paris est devenu plus tranquille après les dangers de l’affaire Dreyfus, je trouve que le Président est un homme bien raisonnableLe capitaine Dreyfus, victime d’une accusation d’espionnage, est à l’origine d’une « affaire » qui divise la France entre 1894 et 1906. Fantin et Scholderer prennent sa défense. Émile Loubet (1838-1929), président de 1899 à 1906, gracie Dreyfus, le 19 décembre 1899, après sa seconde condamnation. et capable et j’espère bien que le Ministère présent se tienne. Cela m’a bien amusé que vous dites que vous êtes devenu Democrate social, car moi je suis devenu bien le contraire, cependant si l’ordre va aller avec la Démocratie je suis tout à fait de votre opinion.

La guerre en AfriqueGuerre des Boers (1899-1902) livrée aux républiques Boers (Afrique du Sud) par les Anglais nous occupe bien, tout le monde est contre les Anglais car ils sont les révolutionnaires du monde et ils lui ont toujours fait le plus de mal. J’espère que cette fois, on leur donnera une leçon et on peut dire qu’on a déjà commencé.

Les Allemands deviennent de jour en jour plus riches, c’est un grand danger pour eux et doit finir dans la corruption, on le sent déjà, heureusement le service militaire les tient encore en bon ordre.

J’espère d’apprendre bientôt comment vous et Madame allez et surtout ce que vous faites, si vous pensez déjà au Salon et si vous avez passé un temps agréable à la campagne. Nous avons été près de Londres pendant les vacances de Victor, à un endroit charmant, j’y ai peint quelques paysages avec beaucoup de plaisir.

Je vous dis adieu, écrivez je vous prie bientôt un mot. Nos meilleurs compliments à vous et Madame, et aussi à Mademoiselle Charlotte qui, nous espérons, se porte bien.

Votre ami

Otto Scholderer