Perspectivia

Mon tres cher Frere

J’avois resolu de vous écrire tous les jours tant que je serois ici, mais le sort en a disposé autrement. J’ai repris une attaque de Colique accompagnée d’une Rumathisme. Le dernier me reste encore. et je recomance a sortir du Lit depuis aujourd[’]hui. J’ai eu le jour avant que de tomber malade le plaisir de voir le Cardinal Tancin et le Marechal de Belisle. Que n’avez vous pu entendre[,] mon cher Frere[,] notre Converssation. Le Marechal a pris Les Larmes aux yeux par epanchement de Tendresse pour vous. Le Cardinal d’un autre côté n’a chanté que vos Louanges. Quel delicieux | moments n’ai je pas passé vis a vis de deux perssones qui vous sont si attachée et avec lesquelles j’ai pu m’entretenir de ce que j’ai de plus cher. L’attachement qu[’]ils ont pour vous[,] mon cher Frere[,] a Jnflué sur moi. Jl est Jmpossible d’avoir plus d’attentions et de politesses qu[’]ils en ont eue[.] Le Marech[al]: est parti a mon grand regret. Mon mal m’à empecheé de prendre congé de lui. Le Card[inal]: est venu me voir hier[ y]. Tout vieux qu[’]il est il est encore tres aimable, plein de vivacité et d’une converssation charmante. Jl fera ma ressource tant que je serai ici ou d[’]ailleurs L’ennuy regne. Je Languis après [dans t ]un Domicile[;] nous somes come les Juiffs errants[,] sans sca- | voir ou donner de la téte, ne pouvant trouver de quartier[,] ny a Monpellier ny a Avignon ny a Nisme. Je suis dans un mauvais Cabaret ici ou je ne puis presque recevoir le monde n’ayant qu’une chambre. J’ai étée une fois a la Comedie, La troupe est tres bonne, surtout une Soubrete qui est exelante. Jl y a un enfant de 12 ans[,] fils du Duc de Richelieu[,] qui dance come un ange. Jl a une force de jaret surprenante pour son age, il est petri de graces et il [unleserlich ]at [unleserlich ][n at][? ]a fait au tour ce sera un second du prés avec le tems. Le Duc de Richelieu sera le 15 [novembre 1754 ]ici, il va a Monpellier pour y assembler les etats dont j’enrage puis qu[’]il [que ] | nous derange tout notre voyage. Je voudrois qu[’]il me fournit matiere a pouvoir vous amuser[,] mon cher Frere[,] quelque moments. Mais je crains fort que je n’aurai que d’ennuyants detaills a vous donner. Je suis avec tout le respect et la tendresse Jmaginable[,]

Mon tres cher Frere[,]
Votre tres humble et tres obeïssante Soeur et Servante
Wilhelmine

Lion le 9 d’Oct [novembre ]1754