Perspectivia
Lettre1886_03
Date1886-06-08
Lieu de créationPutney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesScholderer, Adolphe
Thoma, Hans
Dubourg, Victoria
Scholderer, Viktor
Edwards, Ruth
Lieux mentionnésLondres
Paris
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesS Selbstbildnis (autoportrait)
F Tannhäuser  : Venusberg

Putney

8 juin [18]86

Mon cher Fantin,

Je vous ai envoyé enfin le pastel que je vous ai annoncé il y a bien des mois, je ne sais pas moi-même pourquoi j’ai tardé si long temps, si ce n’est pas pour calmer un peu votre curiosité quant au sujet, je suis certain qu’aujourd’hui vous n’y pensez plus.Scholderer, Selbstbildnis, B.252. J’espère que cela vous plaira un peu, seulement je vous prie de ne pas le mettre sur la cimaise encore à cause du sujet et puis parce que le tableau est un peu trop large, et vous le verrez bien un peu de loin.

Mais j’ai à vous parler d’un sujet plus intéressant, pour moi au moins. Vous allez avoir la visite de mon frère Adolphe qui vient de passer quelque temps à Londres et qui va vous donner tous les détails de notre vie. Il veut rester une semaine à Paris et il s’intéresse assez pour l’art, surtout des vieux maîtres. Il est grand ami de Thoma qu’il admire beaucoup, il est bien curieux de voir votre art. Il est nerveux et bien peu tranquille, il est pensionné depuis deux ans à cause de sa santé qui cependant est devenue bien meilleure, depuis, je crois que s’il avait été un homme avec plus d’énergie, [il] aurait pu faire une bonne carrière, comme advocat il aurait dû acquérir une position et son jugement en général est vite et clair ; j’espère qu’il plaît à vous et à Madame, mais je crains que son français n’est pas de première ordre et suis bien content que Madame connaît les deux langues, en cas qu’il vous sera difficile de le comprendre. Enfin, je vous serais bien obligé si vous lui donniez quelqu’avis quant à l’emploi de son temps, pendant son séjour à Paris, ce qu’il, je sais bien, est assez difficile, mais il s’intéresse pour bien des choses et voit bien des choses, mais il est assez singulier et son goût pour certaines choses est très décidé. Il est venu avec une nièce, la fille de mon frère aîné, pour nous faire une visite, ce qui nous a fait bien plaisir puisque c’étaient les premières membres de notre famille que nous avons vus à Londres depuis que nous sommes ici, ma nièce va être avec nous pendant quelques mois. J’ai pensé d’aller à Paris avec mon frère, mais mon travail ne le permet pas en ce moment, et plus tard je crains que l’argent va m’empêcher ; j’ai moins de commandes que l’année passée et les affaires vont plus mal à Londres que jamais, et voilà encore une dissolution du parlement, ce qui est très défavorable pour tous.

J’ai appris que vous avez fait un sujet de TannhaüserFantin-Latour, Tannhäuser : Venusberg, F.1254. pour le Salon et qu’il a eu un grand succès, ce qui nous a fait grand plaisir, j’espère d’apprendre de vous ce que vous faites en ce moment. Moi, j’ai fait des portraits pas trop intéressants pour la plupart portraits d’enfants.

J’espère que vous et Madame allez bien, nous avons bien regretté que ses yeux ne sont pas encore tout à fait guéris, mais je suis sûr que le séjour à la campagne aura la meilleure influence à sa santé en ce rapport. Est-ce que vous ne pensez pas de venir encore une fois à Londres ? Je n’ose guère penser à un tel plaisir, ils sont si rares de tels plaisirs !

Je vous dis adieu, bien des choses à vous et à Madame de nous deux. Victor vous embrasse tous les deux. Nos meilleurs compliments à M. et Madame Dubourg, j’espère qu’ils vont bien.

Votre ami

Otto Scholderer

P.S Je n’ai pas vu Mme Edwards depuis son retour de Paris, je n’avais pas le temps d’y aller.