Perspectivia
Lettre1891_01
Date1891-06--1891-08 (été 1891 / Sommer 1891)
Lieu de créationBuré par Le Mesle sur Sarthe, Orne
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesEdwards, Ruth
Newman, Barnett
Scholderer, Viktor
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Guthrie, James
Dubourg, Hélène
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Paris
Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts [depuis 1890, Champ-de-Mars]
Paris, Salon de la Société des artistes français
Œuvres mentionnées

Buré par Le Mesle sur Sarthe, département de l’Orne

[Eté 1891]

Mon cher Scholderer,

Voilà bien longtemps que je ne vous ai écrit. Nous avons eu de vos nouvelles de temps à autre par madame Edwards ; dernièrement elle nous a écrit que vous pensiez aller en Allemagne à l’automne. Combien de temps pensez-vous y rester ? Nous ne voudrions pas vous manquer à votre retour, si, comme nous l’espérons, vous passez par Paris. Nous sommes ici à la campagne pour jusqu’aux premiers jours d’octobre. Comment vont vos santés à tous les trois ?

Quelle année ! Un hiver sans fin ! Pas de printemps, et nous voilà en plein été sans avoir eu du beau temps. Avez-vous beaucoup travaillé ? Madame Edwards m’a écrit que vous voudriez le nom d’une laque foncée. Je ne sais trop ce que vous cherchez, il me semble que chez Newman il y a du purple très foncé. Vous cherchez peut-être le violet de cobalt qui, je crois, n’est pas en Angleterre. Mais vous le trouverez en Allemagne, car c’est une couleur d’origine allemande. Si vous en êtes pressé, je puis vous en envoyer un tube.

Je suis en train de faire des fleurs. C’est bien dur de faire toujours la même chose, mais il faut bien gagner sa pauvre vie ! Vous devez en dire autant des portraits ! On est encore bien heureux dans ce temps d’impressionnisme de trouver des amateurs ! …

Si nous n’avions vu déjà tant de bêtises, cela serait bien décourageant de voir tout ce qui se fait dans ce moment et qui a du succès ! Je ne sais comment était l’AcademyScholderer expose trois natures mortes à l’Academy en 1891. Fantin y présente cinq toiles dont quatre natures mortes : Voici les fleurs de la mi-été, F.1417 ; Fleurs, F.1418 ; Sonia Janovski, F.1391 ; Fruits, F.1419. mais nos deux Salons ici n’étaient pas riches en bonnes peintures.En 1890, une scission entre les membres du jury aboutit à la fondation du Salon de la Société nationale des beaux-arts. Meissonier en est le premier président. Ce Salon se tient au Champ-de-Mars dans un des pavillons de l’Exposition, le palais des Beaux-Arts. Il y a donc à cette période deux Salons à Paris, celui des Artistes français et celui du Champ-de-Mars. Cette situation dure jusqu’en 1919, date à laquelle les deux fusionnent. Cette année 1891, Fantin envoie au Salon des Artistes français Danses, F.1433 ; un ancien pastel exposé au Salon de 1888 et transformé en peinture à l’huile (F.1433), Tentation de saint Antoine, F.1434 ; le pastel La Vérité, F.1435, et des lithographies, Le vaisseau fantôme, H.53 ; Lohengrin, H.41 ; L’enfance du Christ, H.28 et Poèmes d’amour, H.29. Tout est en plein air et avec des tons insensés ! C’étaient les étrangers qui avaient encore les meilleures choses. Parmi les anglais, GuthrySir James Guthrie expose Portrait du R. Dr Gardiner et Portrait de M. Georges Smith au Salon de 1891 (nos 785 et 786). avait deux portraits intéressants. Le connaissez-vous ? Il semble que les Écossais ont encore un peu le goût de la peinture.

Que deviennent les études de Victor ? Semble-t-il se décider à une étude spéciale, et sa santé devient-elle plus forte ? Et madame Scholderer se plaît-elle à Londres.

Malgré le vilain temps nous n’allons pas trop mal ; à notre arrivée ici nous avons eu madame Dubourg très fatiguée de l’estomac. Elle semble depuis quelques jours se remettre. Si vous avez un moment vous seriez bien aimable de nous écrire un mot. Compliments de nous tous ;

H. Fantin