Perspectivia

Mon tres cher Frere

Voila 8 jours que j’ai passé bien cruellement n’ayant pu avoir la Satisfaction de vous écrire. J’ai eu un Voyage trés fatiguant par raport a la Chaleur qui augmente de jours en jours[,] et suis charmée de me trouver ici pour jouïr de [des ]mon plaisir favori qui est[,] mon Cher Frere[,] de vous reïterer mes Sentiments. Nous contons repartir aprés demain d’ici. Ce sejour est tres ennuyan [ennuyant[;] il n[’]y a rien de remarquable que quelques Tableaux[.] mais come je suis accoutumée a vous faire des contes de Grand Mere, Je vous entretiendré aujourd[’]hui de Musique. J’ai trouvé Paulino et Amadoro ici. Combien de questions n’ai je pas fait au premier[,] et quelle joye n’ai je pas eue de voir quelqu’un | qui vous apartient. Pardoné L’episode[,] elle est bien naturelle a quelqu’un qui vous aime autant que je le fais. J’en reviens a mon sujet. J’ai fait ramasser tout ce qu[’]il y avoit de chanteurs a Bologne[.] Le vieux Bernachi lui meme a Chanté un Air d’une voix tremblante et m[’]a ensseigné son Ecolle[,] qui est une chose qui fait trembler un Musicien. Je n’ai rien trouvé d’exelant parmi tous ceux que j’ai entendu. C’etoit toutes des voix foibles ou vicieuses. Cepandent le Bon gout regne encore a Bologne ce qui est cause qu’on prend plaisir a entendre chanter des gens | qui a force d’habilité rendent soutenable et meme agreable ce qui seroit Jnssuportable sans cella. J’ai trouvé a fano un tres bon sujet qui se nome Giovanini Belardi[;] il chante dans le gout de Salimbeni[,] sa voix a une grande etandue[,] mais elle est un peu forcée dans les accoutis. Sa figure est tres jolie. Jl est engagé a Rome pour 5 ans en qualité de prima Donna. C’est selon moi ce qu[’]il y a de meilleur en Jtalie. L’accompagnement est detestable. Les Ritornelle si mal executées qu’on ne scait ce que c’est. Cepandent on fait de grandes aclamations a des Violons qui ne meriteroit pas d’etre les derniers de votre Or- | questre. J’aurai L’honneur de vous ecrire des que je serai a Venise. N’ayant que le tems de vous reiterer La tendresse et le profond respect avec lequel je serai jusqu’au tombeau[,]

Mon tres cher Frere[,]
Votre tres humble obeïssante Soeur et Servante
Wilhelmine

Bollogne[,] Le 10 de Juillet 1755