Perspectivia

Erlang le 13 d’Aout 1755

Je ne scaurois vous dire[,] mon cher Frere[,] combien [avec ]j’ai étée effrayée en apprenant L’accident du Roi[,] quoique vous m’assuriez qu[’]il n[’]y a plus rien a craindre[,] je suis encore en milles inquietudes et fremi en penssant seulement au peril qu[’]il a couru. On ne sent jamais tant que dans ces occasions ce que c’est que d’aimer. La seule penssée de pouvoir perdre quelqu’un auquel mon Coeur [m ]est attaché peut me jetter dans la melancholie[;] je crois qu’en cas pareill je n[’]y survivrois [survir… ]pas. vous pouvez donc juger combien votre Lettre a fait d’Jmpression sur moi. La doulleur n’est pourtant point la seule qu[’]elle est faite. Vos Sentiments [La facon de pensser noble ]et Vòtre facon de pensser m’ont entousiasmée. J’ai toujours mieux connu votre Coeur que vous ne l’avez connus vous meme. J’en ai connu tout le prix et vois que je ne me suis pas trompèe. Votre Lettre meriteroit d’etre ecrite en Lettre d’or, s’il etoit possible elle augmenteroit ma tendresse pour vous, Votre facon d’agir convaincra Le Roi de votre attachement pour lui. Je vous l’ai dit milles fois[,] il est Senssible et ne poura que redoubler une Tendresse qui n’a j’amais cessé[,] mais que quelques nuages malins [qui se ]a [ont ]peut etre osbcurssie [obscurcie ][accu][.] | mandé moi[,] je vous suplie[,] coment [comt… ]Amelie a pris La mort de son Abesse, vous ne m’en [mandé ]ecrivé [de’ ]rien[,] ainssi j[’]espere qu[’]elle aura étée raisonnable. Je ne puis vous [mander] dire auccune particularité de la Gallerie d’Herculane[,] on m’a refusé a plat de la voir, et outre cella j’ai étée traitée come un petit Chien a Naple. J’ai fait toute la Relation de mes desastres au Roi qui en est fort piqué. Pour ce qui [est ]de la Ville en elle meme, ce n’est qu’une Mine dont les Murailles sont revetue de Lava et ou on ne voit pas la moindre chose[,] il y a des petits Conduits dans cette mine ou on creuse a tout hazard. [J’ai v ]On decouvroit dans le tems que j’y etois un pavé de Mosaïque. A mesure qu’on decouvre un Muraille on la suit et par la on juge que cett [c’est ]une Rue car il faut le deviner. Vous me faite bien de L’honneur de m’avoir taxée de conoitre les Anthiquité et les tableau[.] – J’en avois moi meme la manie[.] Mais [et ]je me suis rendue justice en arrivent en Jtalie et me suis apercue que j’etois [ab ]une grande Jgnorante. Je me suis cependant si fort apliquée a ces deux genres de choses que je crois qu’on me trompera diffici- | lement. Les Statues et Relieffs sont une etude fort facile. Jl n[’]y a auccun Sculpteur qui aye j’amais pu les copier et Jmiter puis qu[’]il y a des marques certaines qu[’]ils ne peuvent contrefaire, non plus que les Peintres Copier Les grands Maitres Anciens, puis qu[’]il y a de certaines touches qu’on reconoit du bon[,] et qu’avec tout l’art du monde on ne scauroit Contre faire. Jl y a des Tableaux represantant les memes sujets Origineaux et Copie du meme Maitre[,] il est Jmpossible allors de decider, ce que reconnoissent les Conoisseurs. C’est proprement sur les Bronzes, les Tableaux de la seconde Classe et sur les Camée que ce font les tricheries, Aprés tout[,] on ne risque rien lors qu’on est sur les Lieux, puisqu’on trouve 20 perssones pour une qu’on peut Conssulter. Florance[,] Rome et Boussole font trois sejour de Delices que je n’oublierai j’amais, et je vous avoue que je serois capable de vendre mes piereries pour pouvoir y retourner. Venise [Ve… ][Lec ]et les autres Villes ne m’ont point plû. Quoiqu’en dise Algaroti[,] Venise est un Vilain Sejour. Empestiferé par la puanteur des caneaux et la cocho | nerie des habitants. Tous les monument de marque dans le gout Gôttique a la reserve de quelques Bâtiments de Paladio qui n’aprochent point de ceux de Michel Ange a Rome. Jncognito on s’y ennuye comme un Chien perssone n’osant vous parler, et connue on vous fait enrager a force de gehene et de Ceremonie. Vous ne pouvé faire un pas sans avoir deux noble a vos trousses et deux Dames qui vous accompagne par tout. Cette Ville ne merite d’etre vue que part [par ]raport au Tableau. Jl y en a plusieurs de Paul Veroneze et du Tintoret qui Dame le pion a ceux de Rome[,] d’Anthiquité on n’en trouve plus des qu’on a passé Rimini. J’aurai dequoi vous amuser quand je vous reverai, veuille le Ciel que ce soit bientôt[.] Adieu[,] cher Frere[,] donné [donnez ]moi[,] je vous suplie[,] des nouvelles du Roi[,] et soyé [soyez ]perssuadé que je suis toute a vous

Wilhelmine

[postscriptum:]
Milles amitie a Henri et a Amelie[.]