Perspectivia
Lettre1875_09
Date1875-06-11
Lieu de création[Paris]
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesMillet, Jean-François
Corot, Jean-Baptiste Camille
Deschamps, Charles W.
Cazin, Jean-Charles
Edwards, Edwin
Lhermitte, Léon
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Victoria
Maître, Edmond
Edwards, Ruth
Lieux mentionnésParis, Hôtel Drouot
Paris, Salon
Œuvres mentionnées

[Paris]

Vendredi 11 juin 1875

Mon cher Scholderer,

Vous recevrez demain je crois une caisse que je vous envoie qui vous fera plaisir, j’en suis sûr. C’est un cadeau que je vous fais et que vous voudrez bien accepter ; cela me fera bien plaisir. C’est un dessin de Millet et une étude de Corot. J’en ai acheté plusieurs à ces deux ventes et je me faisais une joie de vous en donner. Vous rappelez-vous comme nous désirions un Corot à votre premier séjour à Paris ? Il y [a] eu une vente de plusieurs tableaux de lui.L’hôtel Drouot organise une vente d’études et esquisses de Corot du 26 mai au 9 juin 1875. Fantin y achète un tableau le 31 mai, trois tableaux le 1er juin, et trois autres le 2 juin. Parallèlement, une exposition de 230 tableaux a lieu aux Beaux-Arts. Voir Exposition de l'œuvre de Corot. Notice biographique, à l'École nationale des beaux-arts, quai Malaquais par Ph. Burty, Paris, 1875. Nous allâmes voir l’exposition et maintenant nous en avons. N’est-ce pas qu’elle est jolie cette étude, je la crois très ancienne et du midi certainement. J’en ai des charmants ! Je suis bien content.

Le croquis de Millet est très bien, mais vous le comprendrez plus quand vous aurez vu ceux que j’ai. J’espère que Deschamps va avoir des dessins à la vente qui se fait aujourd’hui, alors vous verrez Millet dont je ne peux assez vous faire l’éloge. Je le connais bien maintenant, nous avons vu la vente de son atelier,La vente des dessins et esquisses dans l’atelier de Millet à Barbizon a lieu les 10 et 11 mai 1875. puis 95 dessins qui sont tout à fait comme des tableaux.

C’est admirable ! Je ne peux vous écrire cela, ce serait trop long, mais vous allez en voir. Il me paraît un des plus grands artistes du temps.

Nous avons vu aussi l’atelier de Corot, c’était tout ce que l’on dit de plus instructif. Il avait gardé les choses de sa jeunesse, des études les plus réussies, vous vous imaginez ce que c’était. Je suis tout entier dans l’enthousiasme de ces deux artistes, vous les verrez chez Deschamps, car il m’a dit qu’il en avait acheté.

Je n’ai guère de détails à vous donner, vous en avez eu par Edwards et Lhermitte ou Cazin.Vous voyez d’ici le succès que j’ai.L’exposition du portrait des Edwards au Salon de 1875 reçoit un succès critique très important et marque ainsi un tournant important dans la carrière du peintre. Fantin obtient une médaille de seconde classe pour cette œuvre. Il l’annonce ainsi à Edwards dans une lettre du 26 mai 1875 : « Tous les succès même la médaille ; me voilà hors concours, et les Jurys ne se mêleront plus de mes affaires ; cela est vraiment singulier ce succès ! » (Fonds Custodia, collection Frits Lugt, 1997-A.546). Il existe toujours des gens qui vous découvrent ou qui trouvent que vous devenez sage. Je ne crois pas que cela me fasse mal. Je ne vois rien d’intéressant dans la critique. Il me semble entre nous que les Artistes, les critiques d’Art, tout cela est imbécile. J’ai fait peut-être des choses mieux. Il me semble que [le] seul effet que cela donne [est] que l’on est plus persuadé que l’on a raison de faire tout ce que l’on a envie. Vous devez être content n’est-ce pas.

Lhermitte entre dans l’atelier où je vous écris et me parle beaucoup de vous, de vos succès et m’empêche de finir ma lettre. Je veux qu’elle parte ce soir. Je vais vous écrire bientôt et puis Edwards vient et vous redira bien des choses. Bien des choses à Madame de ma part et de Mademoiselle Dubourg. Maître me charge de le rappeler à votre souvenir.

[non signé]