Perspectivia
Lettre1876_03
Date1876-03-12
Lieu de créationPutney
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesMorrison, Madame
Manet, Edouard
Degas, Edgar
Whistler, James Abbott MacNeill
Edwards, Edwin
Edwards, Ruth
Millet, Jean-François
Sickert, Oswald Adalbert
White, Mrs.
Berlioz, Hector
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Dubourg, Victoria
Dubourg, Hélène
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesS Selbstbildnis (autoportrait)
S Porträt der Miss Chermside (Portrait de Mrs Chermside)
S Porträt einer alten Dame, Mrs. White (portrait d'une femme âgée, Mrs. White)
S Mrs Tom Plews
S General Viscount Templetown (général vicomte Templetown)
S Oswald Sickert
F L'anniversiversaire
F Édouard Manet
F Portrait de Mr et Mrs Edwin Edwards
F Fleurs (bouquet de dahlias)

Putney

12 mars 1876

Mon cher Fantin,

Cette fois-ci vraiment je suis innocent de vous faire attendre à une réponse sur votre bonne lettre, elle est du 9 février, c’est plus d’un mois. D’abord j’ai été bien indisposé et souffert encore de crampes d’estomac, en même temps j’ai eu énormément à travailler et vous savez que je ne le supporte pas aussi bien que vous. Je travaille à quatre portraits à la fois et dois en même temps voyager pour cela et puis les étrangers, les conversations, et être à attendre ses modèles, vous le savez comme cela fatigue. Vous m’excusez que je parle d’abord de moi. Mon portrait est presque fini,Scholderer, Selbstbildnis, B.150. le portrait de la sœur de Mme Morrison (vous connaissez le nom) est presque fini aussi,Scholderer, Porträt der Miss Chermside, B.143. dernièrement j’ai commencé encore le portrait d’une vieille dameDans sa thèse, Jutta Bagdahn, se référant à cette lettre et à la lettre 1876_88, introduit au catalogue d’œuvres de Scholderer Porträt einer alten Dame, Mrs White, B.152. Or rien ne permet d’assimiler le portrait de vieille dame (mentionné dans cette lettre) à celui de Mrs White (mentionné lettre 1876_17. Il pourrait aussi bien s’agir du portrait de Mrs Tom Plews, B.157a. et celui d’un vieux général en uniforme rouge,Scholderer, General Viscount Templetown, B.174. ensuite le portr. d’un de mes amis, un Allemand.Il est possible que Scholderer fasse ici référence à son portrait d’Oswald Sickert, B.158. Je n’aurai que trois finis pour l’Académie, j’espère qu’on acceptera le mien et celui de la jeune demoiselle, la sœur de M.M., sur lequel je tiens le plus. N’est-ce pas comme je suis lancé dans les portraits, je crains bien que j’en aurai trop à faire, déjà on me parle de tous côtés de nouvelles commandes probables. Mais je peux bien dire que cela m’intéresse beaucoup et je crois que c’est bien mon affaire et talent de faire du portr. Le mien est très réussi, je crois surtout comme ressemblance frappante, je crois, je voudrais bien vous le montrer.

Comme vous avez dû avoir du travail à votre tableau ;Fantin-Latour, L’anniversaire, F.772. vous m’en demandez mon avis, mais vous savez que je suis très bête à juger l’arrangement d’un tableau et la lithographie, dont je vous remercie bien, me paraît si bien que je ne peux rien désirer. Elle m’a fait une grande impression, et surtout éveillé un sentiment si romantique en moi que je ne sais guère exprimer ; c’est surtout tout à fait différent de ce qu’on veut en ce moment, et je crois que la critique sera dure pour votre tableau ce qui, entre parenthèses, est bien égal. Mais c’est bien un sujet tout à fait à vous, je voudrais bien le voir, vous devez bien travailler pour être près pour le 20 mars. Je trouve l’idée que vous y mettez, à part de la peinture, bien belle et certainement elle influence la peinture. Je suis bien curieux ce qu’on en dira et ce que diront les peintres à Paris ; certainement cela ne plaira ni à Manet ou à Degas, ni aux Académiciens, mais je suis curieux aussi de savoir l’opinion de la presse, surtout du public en général. Je partage plus que jamais toutes vos idées là-dessus, je suis beaucoup revenu de ces réalistes de notre temps. J’ai vu Whistler chez Edwards, il trouve votre ancienne peinture mieux que la présente, cela me rappelle ce qu’on a dit de Millet, toujours on n’aimait pas son nouveau tableau, j’ai entendu parler Whistler bien mal de votre tableau de ManetFantin-Latour, Édouard Manet, F.296. et cette fois-ci il le trouvait beaucoup mieux en comparaison du portrait d’Edwards.Fantin-Latour, Portrait de Mr et Mrs Edwin Edwards, F.738. Mais cela ne vaut pas la peine d’en parler, nous connaissons bien Whistler, j’ai bien moins d’inclinaison pour ces gens qu’autrefois et ne les fréquenterai jamais, excepté Manet que j’aime comme homme.

Si votre bouquet de dahlias est encore meilleur que celui chez Edwards, cela doit être alors mieux que je suis capable de me représenter, et je voudrais bien le voir, vous avez bien raison d’envoyer une nature morte au Salon.Fantin-Latour, Fleurs (bouquet de dahlias), F.766, Fantin l’exposera au Salon de 1876. Je ne sais pas si je dois vous conseiller de vendre votre tableauFantin-Latour, L’anniversaire, F.772. au gouvernement, je trouve que c’est bien assez ce que vous faites pour Berlioz de peindre ce tableau, et peut-être votre idée sera-t-elle mieux répandue si vous le faites voir ici ou aussi le vendre ici où cela se payera dix fois plus cher qu’à Paris, car vous y avez travaillé longtemps et votre temps ne vous sera pas payé par le gouvernement. La lithogr. vous a dû aider beaucoup pour le tableau et d’essayer les changements sur elle vous a certainement épargné bien du travail à un si grand tableau, comme je suis curieux de le voir, je l’espère bien ! Écrivez-moi quand vous l’avez achevé et comment vous en êtes satisfait, et tous les changements que vous y avez faits.

J’ai très peu lu dans le dernier temps, je suis trop fatigué le soir, pas encore achevé la Chartreuse de ParmeScholderer fait ici référence à La Chartreuse de Parme de Stendhal publiée pour la première fois en 1839. qui nous a plu surtout à moi énormément, c’est tout à fait nouveau pour moi et il y a des choses si délicates et fines comme descriptions de caractères que je ne connais en aucun autre livre, je crois bien qu’il faut qu’on le lit plusieurs fois.

J’espère que vous êtes en bonne santé et que vous ne vous fatiguez pas trop. Ma femme se porte mieux dans le dernier temps, je peux vous dire aussi mon plus nouveau secret, c’est que j’espère d’être papa au mois d’août, ce qui me fait grand plaisir, seulement je voudrais déjà être à ce point-là. Nous sommes toujours sans bonne servante et c’est plus difficile d’en avoir ici encore qu’ailleurs. Je crois que notre voyage à Paris sera bien remise pour l’année prochaine et tous nos beaux projets, mais peut-être je vous verrai à Londres, n’est-ce pas, cela nous fera grand plaisir ; j’espère que vous ne craignez plus les Edwards. Je vois de temps en temps Madame, lui est à la campagne, elle est excessivement aimable pour moi et tâche de me faire faire des portraits, elle ne montre pas beaucoup vos fleurs, je crois qu’elle veut faire un coup subitement et laisser la vente jusqu’à la saison prochaine.

J’ai pris un atelier à Londres,Pendant plus de trois ans, Scholderer a un atelier au 121 Sloane Street dans le quartier de Kensington à Londres. je crois que je dois le garder pour le futur, ce n’est pas encore sûr, mais c’est bien triste de devoir travailler hors de ma maison, mais pour les portraits c’est nécessaire.

Je vous dis adieu, mon cher Fantin ne me laissez pas sans vos nouvelles et dites bien des choses à Mademoiselle Dubourg et sa famille, saluez aussi Manet et Maître de notre part.

Votre ami Otto Scholderer