Perspectivia
Lettre1878_07
Date1878-05-07
Lieu de création[Paris]
AuteurFantin-Latour, Henri
DestinataireScholderer, Otto
Personnes mentionnéesMillais
Edwards, Ruth
Edwards, Edwin
Corot, Jean-Baptiste Camille
Courbet, Gustave
Rousseau, Théodore
Millet, Jean-François
Tassaert, Octave
Daubigny, Charles-François
Dubourg, Victoria
Esch, Mlle
Goldschmidt, Madame de
Israels, Jozef
Maris, Jacob
Mauve, Anton
Henkes, Gerke
Mesdag
Dupré, Jules
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris
Paris, Exposition Universelle, 1878
Œuvres mentionnéesF La lecture

[Paris]

7 mai 1878

Mon cher Scholderer

Mais si, j’ai reçu votre lettre du 10 avril, est-ce que je n’y ai pas répondu ? Je ne comprends pas ?

Du reste cette question que je vous ai faiteVoir lettre 1878_05 : « Pour quelles raisons et de quelle utilité pour eux [les Edwards] est cette rage de m’avoir à Londres pour faire des portraits ? » et ce que vous m’y répondez n’avance à rien, c’est incompréhensible, rien à démêler. Car chose bizarre, ils sont très aimables, grands compliments et ne cessent de me demander des fleurs ! Des fleurs ! Pourquoi alors me demander de faire des portraits ? Mais de plus en plus je les décourage et ils vont renoncer à cette idée. D’abord c’est le moment des fleurs et des ventes, l’Exposition à Paris,L’Exposition universelle de 1878 a lieu à Paris sur le Champ-de-Mars et aux alentours du 1er mai au 31 octobre 1878. la guerre.A l’issue d’une guerre brève contre les Turcs (avril 1877-mars 1878) dont les Russes sortent victorieux, le traité de San Stefano permet à la Russie de gagner en puissance. La Grande-Bretagne conteste le traité dont elle juge les clauses inquiétantes pour l’équilibre européen et envisage d’entrer en guerre contre la Russie. Je suis trop fatigué. J’ai l’idée de me remettre au vert etc… etc… Il n’est pas probable que ma place à l’Academy me fasse du bien vis-à-vis du public avec un tableau si sévère.Fantin-Latour, La lecture, F.824. Je vous remercie beaucoup de votre offre de parler à des marchands, mais dans ce moment je n’ai pas de raison de les quitter, cela ne viendra que quand ils cesseront de me demander de la peinture. Je ne pourrais gagner autant et plus que avec eux. Tout peut arriver avec eux, vous croyez que le jour où ils m’enverront promener, il y aura à Londres des marchands qui achèteront de ma peinture ?

Quelle drôle d’idée d’envoyer ces roses à l’Academy, elleMme Edwards. n’a donc rien d’autre de mieux ?

L’exposition des Anglais ici me fait grand plaisir. Au moins ils ne sont pas académiques et banals.

J’aime mieux leurs idées bourgeoises. Ils sont aussi admirablement installés. La femme du joueur, le gardien de la Tour de Londres etc. de MillaisMillais, A Yeoman of the Guard, 1877, huile sur toile, 139 x 111 cm, Londres, Tate Gallery ; The Gambler's Wife, 1869, huile sur toile, 86,4 x 38,1 cm, coll. part., font partie des dix œuvres de Millais présentées à l’Exposition universelle de 1878. me plaisent toujours beaucoup. Il y a beaucoup de jolies choses dans cette exposition. Les Allemands ne sont pas encore installés, les Belges non plus, dans les Hollandais, IsraëlsJozef Israëls (1824-1911), un des peintres hollandais les plus importants de l’école de La Haye qui connaît le succès en Europe grâce au réalisme de ses scènes de genre. Quatre des œuvres de Jozef Israëls figurent à l’Exposition universelle de 1878. a des choses très bien. Connaissez-vous aussi Maris, Mauve, Henkes ou Henlyes MesdagJacob Maris (1837-1899), Anton Mauve (1838-1888), Gerke Henkes (1844-1927) et Hendrick Mesdag (1831-1915) sont des peintres paysagistes hollandais. Leur œuvre appartient à la nouvelle école de La Haye et marque une transition entre le réalisme et l’impressionnisme. etc.............

C’est bien triste, mal installé que l’exposition française. On a très mal placé Corot. On n’a pas voulu de morts. Il n’y a qu’un seul Courbet. Rien de Rousseau, ni Millet, ni Tassaert, ni Ricard,Louis Gustave Ricard (1823-1872), portraitiste français. Ricard copie toute sa vie au Louvre et dans les grandes collections étrangères. Certaines de ses copies comme la Bethsabée de Rembrandt (1867, Paris, musée d’Orsay) sont restées célèbres. ni Daubigny. Jules DupréJules Dupré (1811-1889), peintre et graveur, paysagiste relié à l’école de Barbizon, il est ami de Corot et de Théodore Rousseau. n’a pas exposé ! On est envahi par l’école de RomeRéférence aux artistes qui ont remporté le « Prix de Rome » organisé par l’Académie des beaux-arts et qui ont séjourné à la Villa Médicis. partout....

C’est bien dommage que vous soyez dans des tristesses et des idées noires, car cette exposition vous aurait bien amusé, c’est toujours de plus en plus gai Paris. C’est dans ces sortes de bazar que le Français excelle. Ma femme me charge de tous ses compliments et combien elle prend part à tous ces chagrins. Mademoiselle Esch ne va pas très bien en ce moment, nous lui avons remis l’adresse de madame, savez-vous que elle est chez Madame de Goldschmidt ? Adieu. H. Fantin