Perspectivia
Lettre1891_02
Date1891-08-22
Lieu de créationRhos, Colwn Bay, Wales
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesJanovski, Sonia
Scholderer, Viktor
Dubourg, Victoria
Edwards, Ruth
Dubourg, Hélène
Booth, William
Morrison, Monsieur
Guthrie, James
Newman, Barnett
Dubourg, Charlotte
Fantin-Latour, Marie
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Paris, Salon
Œuvres mentionnéesS Bildnis des General William Booth, Begründer der englischen Heilsarmee (portrait du général William booth, fondateur de l'Armée du salut)
F Sonia Janovski

Rhos, Colwn Bay, Wales

22 Aug. [18]91

Mon cher Fantin

Votre bonne lettre m’a été envoyée ici de Londres et je vous en remercie bien. Il y a quinze jours que nous sommes ici. L’endroit est au bord de la mer que nous avons choisi à cause de Victor, puisque sa santé est une chose importante et que la mer lui fait toujours du bien. Moi aussi, j’étais bien content de quitter Londres pour quelques semaines et je n’ai fait rien que de me promener depuis que je suis ici. L’air nous a fait tous beaucoup de bien et je recommence d’avoir envie de travailler. J’ai d’abord voulu aller en Allemagne, mais puisqu’un portrait m’a retenu aussi longtemps à Londres, j’ai abandonné ce projet pour le moment, mais il est impossible que j’y aille encore avant l’hiver. Vous pouvez croire qu’en ce cas je ne manquerai pas de passer par Paris.

Il nous fait grand plaisir d’apprendre que votre santé et celle de Madame sont bonnes, nous aussi nous ne pouvons pas nous en plaindre. Victor surtout, depuis qu’il est ici, se porte bien et commence à engraisser. Nous avons bien regretté d’apprendre que Madame Dubourg a été malade, Mad. Edwards nous l’avait dit, mais sont bien contents que vous nous donnez de meilleures nouvelles de sa santé et nous espérons que l’air de la campagne lui fasse du bien, le changement de vivre et de l’air produit souvent des merveilles en ce rapport.

Nous ne pouvons pas oublier ce dernier hiver, et je ne l’oublierai jamais, je ne crois pas que je puisse passer un autre de cette espèce à Londres et je frissonne si je pense à l’hiver prochain qui, on prétend, sera plus dur que le dernier, certainement je ne resterai pas à Londres, j’irai au moins à la campagne. Il est dommage que vous ne pouvez pas rester à la campagne, au moins jusqu’à la fin de l’année, mais peut-être vos arrangements à la campagne ne sont pas suffisants pour un séjour prolongé.

L’été est bien triste aussi cette année, il fait assez froid ici pour le mois d’août et depuis deux jours il n’y a pas de soleil, cependant nous sommes contents, la contrée est belle et l’air est bon, c’est une petite place nous ne voyons pas beaucoup de monde, ce qui me fait aussi beaucoup de bien.

Quant aux affaires, c’est bien triste comme vous aussi le dites, je ne sais pas comme cela finira. Chaque année cela devient pire. La saison à Londres a été la plus mauvaise de toute précédente et je crois que la prochaine sera pire. Mon travail a été bien interrompu par quelques portraits qui me faisaient perdre bien du temps, et j’ai regretté de ne pas avoir pu faire autant de natures mortes que je voulais. J’ai peint le portrait de général Booth,Scholderer, Bildnis des General William Booth, Begründer der englischen Heilsarmee, B.348. le chef de l’armée du salut, comme vous savez, joli modèle qui a posé terriblement mal et on n’en a pas été trop content ; ces gens s’imaginaient un portrait d’un saint, mais très ressemblant. Il est allé en Afrique, et quand il reviendra, il me posera pour un autre portrait, le dernier est un pastel que j’ai choisi à cause des courtes séances qu’il me donna. Si cela réussit cela peut m’être utile, puisqu’en ce moment il est l’homme du jour en Angleterre.

Votre portrait de votre nièce a été bien admiré à l’Académie, quoiqu’on lui avait donné une place inférieure.Sonia Janovski, F.1391. Mr. Morrison m’a dit si ce n’était pas à vendre, il aurait aimé de l’acheter, je lui ai dit que je ne croyais pas que vous le vendriez, que cela appartenait à votre sœur.

Mon tableau a eu la place la plus mauvaise,Scholderer a exposé trois natures mortes à la Royal Academy. je n’ai même pas pu le reconnaître. Ce que vous dites des Impressionnistes est bien vrai, mais dans le dernier temps il me semble que le public en devient un peu fatigué, certainement ils n’ont pas en plus de succès cette année que l’année passée. J’ai vu le catalogue illustré du second Salon et cela me semblait bien pauvre, même bien timide et vieux au fond.

Gutherie me paraît un homme de beaucoup de talent, mais je sais pas comme il finira, ici les Impressionnistes sont jaloux de lui et se défient de lui, ce qui est un bon signe cependant.

Je crois que c’était le violet de Cobalt que j’avais vu à votre palette, je vous remercie bien de votre offre de m’en envoyer, mais je suis sûr de le trouver chez Newman puisque je sais le nom de la couleur maintenant. Je sens avec vous que les fleurs sont bien dures à peindre, puisqu’on ne peut jamais se reposer quand on les peints, elles ne permettent pas d’interruptions, mais comme vous êtes si sûr de ce que vous faites, il me semble que cela vous doit faire bien plaisir et chaque année, je vois que vous les peignez d’une nouvelle manière. Cependant je peux bien voir aussi que vous aimeriez quelque fois à faire des autres sujets. Il me semble qu’il y a quelque temps que vous n’ayez fait une lithographie.

Vous me demandez ce que les Études de Victor font. C’est toujours le même, il me semble que ce seront les langues la littérature qui l’intéressera, il lit beaucoup, mais ses progrès étaient moins rapides, pendant les derniers six mois, il se sentait encore de la suite de sa maladie, les rougeoles, dont il souffrait au printemps. Maintenant je vous dis adieu, j’espère que cette lettre vous trouve tous en bonne santé. Rappelez-vous, je vous prie, au bon souvenir de madame Dubourg et Mademoiselle Dubourg. Nous vous envoyons tous nos meilleurs compliments.

Votre ami

Otto Scholderer