Perspectivia

Mon tres cher Frere

Malgré tout mon empressement il m’a été Jmpossible de vous ecrire depuis mon retour ici. J’ai étée si fatiguée et Harassée de mon voyage des grandes chaleurs qui com[m]encent ici et de coursses Anthique que [j’ai ]je suis presque Sur les dents. Cependant je dois [vo… ]vous informer[,] mon cher Frere[,] d’une avanture Miraculeuse, extraordinaire, etrange, et a laquelle vous ne vous seriez pas attendu. C’est que vous alles avoir une Sainte dans votre Famille et que cette S[ain]te c’est moi. Je suis martire de notre S[ain]te Religion. Le Pillié de la vraye foy n’a pas voullu plier le genoux devant L’Antechrist. Les Dames Romaines ont pris L’Allarme et ne veullent ni voir ni Hanter un supot de Satan telle que je suis. On tient les Discours les plus Jnjurieux sur mon Conte[,] on repend des Calomnies[,] en un mot | je suis si meprisée que tres surement j’aurai une grande Place en Paradis. Le Pape fait sous main ce qu[’]il peut pour mettre tout le monde â la Raison. Jl tache ainssi que le Card[inal]: Valenti a m’obliger en toute occasion. Ce dernier est le Confident de nos amours car il ne ce passe pas de jour que par son moyen nous ne nous fassions Complimenter. voila ma Conffession, si j’avois pu voir Sa Sainteté peutetre aurai je pu en faire mon Secisbeo, car je vous avoue que j’aime un peu le merveilleux. Je ne vois plus perssone dont je suis tres contente[,] les visites achevant de me tuer car je vous assure qu’à peine je puis resister a la fatigue et qu[’]il n[’]y a que la passion de tout voir qui me soutiene[.]
Je fais presque touts le jour le tour de la Ville pour apprendre la Situation de Rome Anciene[;] il faut grimper des Montagnes et Battiments Ruinez et dessendre quelque fois jusqu’au Centre de la Terre. Je viens de faire une aquisi- | tion qui m’a fait un plaisir Jnfini. C’est une Peinture Anthique des plus Belles de L[’]aveu de tous les Connoisseurs. Elle a étée voleé de la Ville de Pompée et transportée ici. Je l’ai arracheé[,] pour ainssi dire[,] de la pate des Anglois qui y avoit deja jetté leur devollu. Je prends la Liberté de vous L’envoyer[,] mon tres cher Frere. Vous supliant de ne point dire qu[’]elle est de Naple. Je ferai mon possible pour La bien faire emballer[,] mais il faudra la depaqueter avec beaucoup de soin. car elle pouroit s’ecailler. Jl y a des choses superbes a vendres ici tant en Bronze qu’en marbre. Les Grands ne ce soucient point de ses choses. Jls se deffont sous main de leurs Tableaux et remettent des copies en places. Ces choses sont pour un morceau de pain. Jl n[’]y a plus que la peinture qui se soutiene[.] Minx peut surement allé de paire avec le Guide et tient meme beaucoup du Raphaël par raport a son ordonance. Battoni est aussi un grand Hom[m]e | et beaucoup moins cher. La Sculture tombe. Je me suis apercue que Michel Ange[,] qu’on prône tant[,] n’à fait que 7 ou 8 bons morçeaux[,] le reste est de ses Ecolliers[;] il en est de meme du Bernin. Tout le monde est a Frescati d’ou on ne revient que quelques jours avant la S[ain]t Pierre ou je verrai La Ceremonie de La Mule Blanche[,] Le Pape Officier Pontifficalement et le Feu d’Artiffice du chateau de S[ain]t Ange qu’on dit etre Unnique. J’allois[,] il [c… ]y a quelque jours[,] au Collissée[,] je fus suprise de voir plusieurs autels en dedant tout a L’Entour. Mon Guide[,] qui a de L’esprit et qui est grand Anthicaire[,] me dit en riant, Les Papes furent obliger de Bennir cett Endroit sous pretexte des Martires[,] pour en empecher la destruction[;] ainssi on va Jnvoquer S[ain]t Lion et S[ain]t Leopard qui ont verssé leur Sang dans ce Lieux ainssi que les Malfaiteurs et les Chretiens. C’est la Refflection que j’ai faite. Je crois que mon Frere Ferdinand | aura tres sujet d’etre Content de sa Future. On la dit aimable, et quelques centaines de milles ecus augmenteront un jour ses charmes. J’ai lu hier un Sonnet Jtallien fait sur vous[,] mon tres cher Frere[,] que j’ai trouvé charment. C’est votre Paralele avec Jules Cesar. Jl dit a la fin que Cesar recrivit sa vie et qu[’]il n[’]y avoit que vous digne d’ecrire la votre[.] Vous me couté tant de reverances et de Complimen que j’en deviendré aupres jours Ethique ou dehanchée. Car on ne parle que de vous, c’est l’unnique moyen de prolonger la Converssation avec moi[ vous][.] Rien ne m’etant plus cher que le cher Frere pour lequel rien ne scauroit egaler la Tendresse et le profond respect avec lequel je serai a j’amais[ jamais][,]

Mon tres cher Frere[,]Votre tres humble obeïssante Soeur et Servante
Wilhelmine

Rome[,] Le 17 de Juin 1755