Perspectivia
Lettre1882_06
Date1882-12-31
Lieu de créationHildesheim
AuteurScholderer, Otto
DestinataireFantin-Latour, Henri
Personnes mentionnéesDubourg, Victoria
Scholderer, Viktor
Scholderer, Luise Philippine Conradine
Esch, Mlle
Cazin, Jean Charles
Rossetti, Dante Gabriel
Bela Uiz
Belt, Richard Claude
Lawes, Charles Bennett
Dubourg, Charlotte
Dubourg, Hélène
Dubourg, Jean-Theodore
Lieux mentionnésLondres, Royal Academy of Arts
Londres
Liverpool, Walker Art Gallery
Œuvres mentionnéesF Pieds-d'alouette

Hildesheim

Keswick Rd. Putney

31 déc. [18]82

Mon cher Fantin

Nos meilleurs souhaits pour vous et Madame pour la nouvelle année et surtout de la santé, ce qui me paraît de jour en jour plus essentiel. Nous avons appris par votre dernière lettre que vous vous portez bien tous les deux, j’espère que cela dure toute l’année prochaine. Quant à nous, nous ne pouvons pas nous plaindre, Victor se porte très bien, ma femme et moi un peu moins, ce temps affreux m’a donné le spleen et jamais de ma vie j’ai travaillé avec tant de peine, ce qui est un mauvais signe. Il fait chaud ici, une pluie continuelle et de l’obscurité qui avait été précédée par des jours de brouillard abominable, mais chez vous cela n’a pas dû être agréable non plus.

<Mlle Esch qui a passé le Noël avec nous, a eu le chagrin de perdre sa mère qui est morte subitement, c’était une grande douleur pour elle. Elle est allée en Allemagne pour l’enterrement.>

Nous avons eu la visite de Cazin et sa famille, ce qui nous a fait bien plaisir, vous les aurez vus sans doute à Paris aussi, et ils pourront vous donner quelques détails sur notre vie, qui cependant est toujours la même et que vous connaissez. Victor s’amuse, et parle très bien et distinctement les deux langues ; il devient très amusant.

J’ai la même peur que vous pour l’Académie, je suis si peu disposé à commencer un tableau, mais il le faut, peut-être cela ira mieux quand j’ai commencé, quel plaisir la vie me donnerait si je n’avais plus besoin d’y envoyer des tableaux ! Il y a des vieux maîtres à l’académie et des œuvres de Rosetti,Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), peintre, écrivain et poète anglais, fondateur de la confrérie des préraphaélites avec William Holmann Hunt et John Everett Millais. j’ai vu à Liverpool un de ses tableaux, qui m’a dédommagé bien de toutes les horreurs de leur galerie,La Walker Art Gallery à Liverpool a acquis en 1881 l’œuvre de Rossetti, Le rêve de Dante, 1869-1871, huile sur toile, 216 x 312 cm. mais je n’ai pas encore vu ses tableaux à l’académie.

Vos fleurs chez M. Edwards m’ont fait grand plaisir et surtout les pieds-d’alouette,Fantin-Latour, Pieds-d’alouette, F.1085. c’est un paysage, la campagne, et ce sont mes fleurs favorites. Aussi les esquisses de femme m’ont beaucoup plu. Je serais content de savoir vos projets pour l’académie.

Nous avons vu les reproductions des Christmas-cards de Madame, il y en a qui sont très bien venus, ne trouvez-vous pas, surtout les œillets blancs et rouges.

Il n’y a rien de nouveau à Londres, avez-vous entendu parler du procès des deux sculpteurs ? Il m’a fait plaisir comme on y a traité toute notre corporation, c’était absurde.Un procès opposant Sir Charles Bennet Lawes à Richard Claude Belt, deux sculpteurs anglais de renom, a un grand retentissement dans la presse de l’époque. Sir Lawes conteste en effet, dans le journal Vanity Fair, à Mr Belt la paternité de ses œuvres. Il lui reproche son incompétence et l’utilisation abusive d’aides dans la conception et la réalisation de ses œuvres. Bennet poursuit Lawes en diffamation et un procès commence à la mi-juin 1882. Le verdict en décembre 1882 donnera raison à Belt. Ce cas pose le problème des limites d’une intervention extérieure dans la création artistique et c’est en cela qu’il provoque de nombreuses réactions dans le milieu intellectuel et artistique.

Je vous dis adieu, nos meilleurs compliments à vous et Madame et bien des choses à Mlle Charlotte et Monsieur et Madame Dubourg.

Votre ami

Otto Scholderer

With Victors and Mama’s love and papa’s compliments